TikTok et la désinformation, un couple qui marche

Predicta Lab
4 min readFeb 8, 2022

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Afin d’étudier l’évolution de la campagne électorale sur TikTok, nous avons analysé les vidéos postées durant le mois de janvier avec en hashtag le nom de famille des principaux candidats aux élections présidentielles (Figure 1). Dans cette capture, nous avons trouvé de nombreuses vidéos de désinformation parmi les vidéos les plus vues.

Figure 1

Par exemple, deux vidéos de @actu.nofake portant le hashtag #macron et postées le 24 janvier ont fait respectivement 532 200 vues (Figure 2) et 395 800 vues (Figure 3). Ces vidéos suggéraient que les écoles allaient fermer à partir du 31 janvier.

Figure 2
Figure 3

On sait maintenant avec certitude que ce n’est pas le cas mais on peut ajouter que ces informations étaient déjà en contradiction totale avec la stratégie du ministre de l’Éducation nationale lors de leur publication. En effet, depuis le début de la pandémie, celui-ci s’est vu reprocher de garder les établissements scolaires ouverts coûte que coûte, parfois en dépit des recommandations scientifiques. De par ses déclarations approximatives sur les taux d’incidence, la contamination en milieux scolaires ont été minimisées alors que les épidémiologistes les identifiaient comme d’importants foyers de contamination. Monsieur Blanquer s’était aussi félicité que la France soit parmi les pays de l’OCDE ayant gardé ses écoles fermées le moins longtemps.

Ainsi les informations diffusées par @actu.nofake sur TikTok sont absolument fausses et elles vont à l’encontre de toute la stratégie du gouvernement français vis-à-vis des écoles. On retrouve ce même effort de désinformation sur Twitter où, @actu.nofake renommé en @NOFAKEactu, diffuse en simultané les mêmes fausses informations que sur TikTok (Figure 4). Cependant il ne semble pas y trouver la même popularité : il n’a que 25 abonnés sur Twitter contre 1489 sur TikTok et sur Twitter ses posts n’atteignent au maximum que 1 retweet contre 1 467 partages sur TikTok.

Figure 4

TikTok est aujourd’hui le site le plus consulté dans le monde et le cinquantième en France, il est donc primordial de surveiller ces fake news et leur impact en période électorale. D’autant que TikTok compte 62% de ses utilisateurs français âgés de plus de 17 ans (Figure 5). Ces électeurs potentiels risquent de voir leur opinion politique biaisée par de fausses informations qui semblent authentiques car elles sont vues de nombreuses fois.

Figure 5

La modération des contenus pourrait apporter une solution à ce problème, cependant les moyens déployés aujourd’hui par les réseaux sociaux sont largement insuffisants pour pouvoir s’attaquer aux fake news. En 2017, TikTok avait promis d’atteindre les 10 000 modérateurs employés, ceux-ci doivent cependant modérer des vidéos postées à un rythme d’un contenu par 25 secondes. Dans la branche française de TikTok, la modération se fait principalement grâce à un algorithme qui bloque les contenus violents et les insultes. Elle est aussi complétée par des modérateurs humains qui comprennent et parlent le français. On peut toutefois s’interroger sur les conditions de travail de ces modérateurs étant donné le témoignage de Candice Frazier qui travaillait pour Telus International, un sous-traitant chargé de la modération de la branche américaine de TikTok. Frazier a porté plainte contre les conditions de travail imposées par ByteDance, la maison-mère de TikTok. Elle dénonce des journées de 12 heures passées à regarder jusqu’à 10 vidéos simultanément contenant des actes de violence extrême : fusillades, pédopornographie, cannibalisme, mutilations d’animaux…

Ainsi il semble peu probable que les 10 000 modérateurs mondiaux déclarés par TikTok puissent vérifier la véracité des informations publiées avec un tel débit, peu importe leurs conditions de travail. Malheureusement, il en revient donc aux utilisateurs de faire preuve de prudence et d’esprit critique face aux informations qu’ils reçoivent. Chacun se doit de vérifier lui-même les informations importantes.

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